Venez toucher la limite des 300 mph!
[eltdf_dropcaps type= »normal » color= » » background_color= » »]A[/eltdf_dropcaps] l’instar des aventuriers ayant découvert de nouveaux horizons, il en est d’autres qui parviennent à toucher du doigt un autre monde, éphémère et merveilleux, où le temps s’arrête, comme suspendu dans une autre dimension.
Voici l’expérience qu’a vécu Rick Pearson en tentant de devenir membre du légendaire club des 300 de Bonneville, en essayant de battre le record de vitesse terrestre d’une vitesse supérieure à 300 mph, soit
482,8 km/h. Comme il le dit : « Devenir seulement le 7ème britannique du club des 300 serait un véritable honneur étant donné que les 6 premiers étaient Sir Malcolm et Donald Campbell, John Cobb, Capt Eyston, Richard Noble et bien sûr, l’homme le plus rapide sur terre, Andy Green. Une compagnie de légendes !»
Vêtu de son inimitable smoking homologué top fuel de 7 épaisseurs de Nomex, c’est à bord du “Flower of Scotland”, inscrit dans la catégorie ultime des Streamliner, que Rick a vécu cette expérience. Le décor, magnifiquement lunaire du lac salé de Bonneville (Utah), accueille une semaine par an en été cet évènement unique, lorsque l’eau se retire et laisse un terrain nu, vierge et dénué de toute vie, idéal pour battre des records de vitesse.
Le véhicule, construit tout en longueur pour optimiser la pénétration dans l’air, est entrainé par un moteur Kawasaki de Ninja ZX11 de 1’000 cm³. Le tout greffé d’un turbo et alimenté au méthanol pour atteindre les 11’000 tr/min, et développer plus de 500 ch pour 400 kg. La machine est refroidie de façon simple et efficace, voir même archaïque, à grand renfort de glaçons versés dedans. Lorsqu’ils fondent, l’eau est réutilisée pour refroidir la chaîne, afin d’éviter qu’elle devienne rougeoyante et se soude. Et pour prévenir l’incendie, dont la flamme du méthanol est invisible à l’œil, le pilote dispose d’une caméra infra-rouge qui projette une image du compartiment moteur dans le cockpit. Aussi deux indicateurs de températures d’huile et du liquide de refroidissement viennent compléter la panoplie de détection d’avarie. Auquel cas, le pilote pourra compter uniquement sur deux leviers libérant les parachutes, et sur trois boutons d’extincteurs. Si tant est qu’il s’agisse bien d’un incendie et qu’il ait le temps de les actionner. Ou encore, que les vapeurs toxiques de méthanol ne lui montent pas à la tête en lui faisant apparaitre des hallucinations peuplées d’éléphants roses, comme cela s’est déjà produit pendant l’un de ses précédents essais.
A cette vitesse, les sens sont sévèrement éprouvés. Le champ de vision se réduit à l’extrême, et le bruit du moteur en échappement libre vous coupe littéralement du monde extérieur. Les roues avant, dénuées de pneumatiques pour tailler un sillon dans le sol, génèrent d’énormes vibrations qui affectent également la perception des couleurs, jusqu’à les faire disparaitre entièrement. L’ensemble du run se fait intégralement en glissant sur une couche de sel, instable et inconstante de 25 à 70 cm d’épaisseur, qui ne permet jamais de trouver l’adhérence. Aussi, des «rides de pressions » se créent à la surface, entre les énormes cristaux de sel comprimés les uns contre les autres. Lors de la préparation de la piste, ces rides laissent place à des crevasses, ce qui ajoute encore d’avantage de vibrations. Le pilote est alors extrêmement sollicité pour corriger tous les écarts causés par la piste et par les vents.
A partir de 400 km/h, c’est la conscience elle-même qui n’est plus capable de fournir les réflexes nécessaires au pilotage. Rick conseille alors de continuer d’accélérer, d’oublier le danger et de s’abandonner pleinement à des réflexes automatiques inconscients, qui seuls peuvent prendre le relais et vous maintenir en vie.
Tout ce qu’il vous reste, c’est votre corps et les sensations qu’il vous transmet, comprimé dans une étroite boite de métal de 56 cm de large, atteignant un maximum de 268.358 miles/h (soit 432.30 km/h). Et cela, en étant suspendu à quelques centimètres au-dessus du sol. A ce moment, la moindre anomalie mécanique, la moindre erreur de pilotage, et le véhicule se désintègre instantanément. De la folie pensez-vous ? Sans aucun doute ! Mais surtout un instant de magie, de concentration ultime, de fusion entre l’homme et la machine, où le temps s’arrête à la frontière des 300 mph.
Lors de l’ouverture du parachute, Rick plante son deuxième pied sur l’accélérateur pour s’assurer de ne pas commettre l’erreur fatale de donner du frein moteur à ce moment crucial. Il soulève alors chaque doigt un à un du volant dans un effort intense, pour enfin sauter sur la manette du parachute, pourtant à seulement quelques centimètres du volant. Le paquetage est expulsé, rebondit sur le sol puis s’ouvre brutalement, faisant décoller l’arrière du véhicule et l’entrainant dans un dérapage à plus de 350 km/h, laissant une trace latérale de plus d’un km dans le sel.
La voiture s’immobilise enfin au milieu d’une infinité blanche aveuglante, sans une âme humaine ou animale qui vive à la ronde, avec seulement un bruit de fond lointain d’autres moteurs. Les sens sont alors toujours en éveil, d’une hyper-sensibilité rendue à son paroxysme, pour ce moment d’une rare intensité. « Une véritable entrée en religion » selon les mots de Rick.
Voilà l’aboutissement d’un développement de seize ans de travail pour toute une équipe, dont le professionnalisme et l’esprit de camaraderie sont à la hauteur du danger encouru. Naturellement, le partenariat entre Rick Pearson et Maurice de Mauriac est célébré autour d’une superbe montre créée pour l’occasion : la Maurice de Mauriac « Chrono Modern DLC », conçue avec le mouvement Swiss Valjoux (ETA 7750) et équipée d’un bracelet en Kevlar. On admirera particulièrement la luminosité des repères qui apparaissent dans un vert du plus bel effet. Celle-ci se retrouve sur le site de la marque où vous pourrez l’admirer à loisir : mauricedemauriac.com
Texte : NICOLAS DAZORD
Photos : RICK PEARSON