Dans la nuit, les seuls phares reconnaissables en face, ceux des Porsche. Devenu prince du sertissage et du diamant au cœur de l’horlogerie suisse d’excellence, Ramon Iso a toujours dans les yeux ces émerveillements de l’enfance.
Dans son regard, la même étincelle : en- fant, sur les grands trajets sans péages des allers et retours en Pays basque, sa terre familiale, ce fils d’immigrés guet- tait sur les routes du sud et au fil de l’iné- narrable Nationale 7, les grands pan- neaux d’affichage à la gloire des modèles automobiles de son époque. Et, lorsque la nuit tombait, s’amusait à deviner les modèles surgissant en face, dans la nuit. Déjà reconnaissables entre tous, les phares de Porsche….
LE GROUPE SERCAB ENGAGE !
Sur deux sites, 187 collaborateurs et l’espoir d’une relève qui doit impérativement rejoindre le groupe. Ramon Iso cherche activement des jeunes à former. Il fait les Arts Déco parce qu’à l’âge de 16 ans, il n’est premier de classe que dans le dessin et la sculpture. Son premier job? Bijoutier-Joaillier chez Ludwig Muller, l’inventeur de l’or bleu, surtout l’une des signatures joaillières les plus en vue de Genève. C’est en Vieille Ville, c’est du fait-main et les clients, de prestigieuses maisons horlogères de la place, se lâchent sans limites en matière de montres serties. Puis, par refus de céder aux sirènes d’un «emploi garanti» dans l’une de ces grandes enseignes, il embrasse l’indépendance. Depuis plus de 30 ans, son groupe – issu de la fusion de trois entités – n’en finit pas de croître. Il est une référence pour le sertissage dans la haute joaillerie et l’horlogerie suisses. Il pratique autant les savoir- faire artisanaux que les technologies industrielles les plus pointues, axées sur la fabrication de pièces à forte valeur ajoutée… Avec quelques clins d’œil tangibles du côté de l’habillage horloger, voir même de la boîte de montre. Spécialiste de tout type de sertissages : grain, mécanique, traditionnel, sertissage baguette et invisible avec diamants et pierres de couleurs. Sercab est constitué exclusivement de capitaux suisses.
EMMÉNAGEMENT À TOURBILLON, 2’000 MÈTRES CARRÉS
Ramon ISO est toujours SBF, « sans bureau fixe » ! C’est ainsi que je l’avais surnommé, il y a quelques années. Je le retrouve, intact, tout autant passion- né, direct, fraîchement installé dans des odeurs de neuf, de peintures et de sols à peine secs : c’est immense, 2’000 mètres carrés, un vaste carré de verre avec espace central vitré, et déjà, sur un par- terre évidemment prévu pour supporter une telle charge, les machines mastodontes qui viennent de s’y déplacer. Ça bosse déjà, quasi aucune inter- ruption, un déménagement qui roule, par vagues successives. Les prochains collègues arrivent de- main, ils ont déjà l’établi prêt, avec leur box perso et une petite attention de bienvenue.
C’est fait, le groupe Sercab vient de troquer sa légendaire adresse à Thônex (Genève) pour le nouveau complexe immo-horloger Tourbil- lon, adossé aux enseignes les plus prestigieuses et posé au cœur d’une commune qui ferait bien, une fois pour toutes, de troquer le « Ouates » de son nom pour un « Watch » carrément plus seyant. Seule l’adresse fraîchement rénovée de l’ancienne Val’Heure, la fabrique des Bioux, est restée à la Vallée de Joux, reliant l’expan- sion de Plan-les-Watches aux autres terroirs horlogers. Le groupe Sercab, c’est donc aussi Michel Salvi, directeur général…
L’ENTREPRISE, UN PARCOURS CORPS ET ÂME
Ramon Iso s’en persuade, il est aussi dur avec les autres qu’il l’est avec lui-même. Il doit surtout être quelqu’un de très juste. Il suffit de parcou- rir en sa compagnie les couloirs encore bruts de sa société. Les tutoiements fusent, le turnover est ridiculement bas. Presque 200 collègues, une confiance qui baigne l’atmosphère, ponctuée ici ou là de « vieux de la vieille », compagnons de la première heure. Un boss à l’ancienne? 62 ans et surtout, aux yeux de ses collaborateurs, l’incarna- tion du respect. Leur patron, bijoutier-joaillier a démarré tout en bas, payé au lance-pierre, concen- tré, studieux et bourré d’une infinie patience.
Marié à son entreprise, il évoque soudain le manque de temps familial… Une ombre passe. Il se souvient, il avait 10 ans. Sa mère l’attendait pour midi. Il était rentré en larmes, incapable de se calmer. Sous le bras, entre ses sanglots, la man- chette d’une caissette de la tribune qu’il avait ar- rachée. Il y était écrit « Jo Siffert est mort. » En- core aujourd’hui, il se rappelle l’incompréhension de sa mère.
PORSCHISTE INCONDITIONNEL, DE SIFFERT À KILLY
Lui savait déjà, du haut de son enfance, que la 917 de ce pilote de légende restait la Porsche des Por- sche. Elle était parfois exposée au Salon de l’au- to à Genève. À 12 ans, il se perd dans le film « Le Mans », déjouant un style cinématographique pourtant peu destiné aux garçons de son âge. De- puis, il a eu des « caisses » normales, familiales, des voitures à transporter, à se déplacer.
Enfin, à l’aube de sa quadragénitude, pour un prix très raisonnable, il s’offre sa première Porsche, avec arceau rallye. Il la démonte complètement, la refait entièrement, cinq années durant. Évi- demment, le modèle grimpe en valeur, comme les quelques autres pièces d’exception qui peuplent sa modeste collection, une dizaine d’unités environ…
Au nombre de ses acquisitions, lui qui prati- quait le ski extrême à haut niveau, avec guides et bivouacs incertains, il évoque soudain Jean- Claude Killy, incarnation de la parfaite recon- version. Le « gamin de nulle part », devenu « part entière » du microcosme de l’horlogerie d’ex- cellence, l’admire. Il sait qu’il fut pilote officiel Porsche. La connexion a lieu, authentique, il lui vend une des Porsche de sa belle collection, une Carrera de 1986 avec 23’000 kilomètres au comp- teur. À l’heure de lire ces lignes, il lorgne avec en- vie sur une autre de ses pièces, avec peu de kilo- mètres : « Peut-être la vendra-t-il un jour, j’espère que je pourrai l’obtenir… »
VOITURES ET PASSIONS PARTAGÉES : ARNOUX, ICKX ET…
Il est d’autres vedettes que ses yeux d’enfants se remémorent avec l’émoi de ceux qui se sont faits seuls, à la force du poignet. René Arnoux, l’un des plus mythiques pilotes français, immé- morialement célèbre sur Youtube pour son duel fou contre Gilles Villeneuve lors du Grand Prix de France 1979. Certainement l’un des plus beaux combats automobiles de l’Histoire. Ramon Iso est fier de l’avoir vu piloter son Alméras 911 2,4 S sortie des ateliers de Montpellier, un bolide qu’il avait acquis sur un coup de tête, au sortir d’une vente aux enchères chez Artcurial. Dans un sale état, totalement crashé après une folle valdingue, il l’avait entièrement retapé.
Il avait passé le volant à Arnoux lors d’une compétition sur l’anneau de vitesse du specta- culaire autodrome de Linas-Montlhéry. Lucide, Ramon réalise au contact du monstre sacré Arnoux, recyclé avec succès dans l’horlogerie des parechocs, qu’il ne sera jamais un grand pilote : « Il faut trop aimer la vitesse. Un pilote, c’est avant tout le pied au plancher et le freinage au dernier moment »… Hélas, la fameuse Alméras ne fera que deux tours, ses freins ayant lâché…
Entre collectionneurs, les distances s’estompent. Et à Genève, c’est avec José Perujo, à la tête du premier des trois uniques « Porsche Classic Cen- ters », qu’il refait le monde, évoque les carrières de légende, comme celle du Bruxellois Jacky Ickx, coureur à succès en Formule 1, en endurance et en rallye-raid. Ramon Iso est toujours plus près de là où les mains traînent dans le cambouis que là où les véhicules à millions se trimballent dans le ventre de semi-remorques pour de riches épopées mondaines : « Porsche reste la marque automo- bile qui a le plus de voitures anciennes en circu- lation, toutes marques confondues », rappelle ce plus-que-porschiste invétéré, tout en déballant les tableaux destinés à accrocher ses rêves mé- caniques sur les murs de sa salle de conférence flambant neuve…