Marque Pic-Pic à Genève, des automobiles mythiques

Elle possède son timbre-poste, son immeuble à Genève, son allée et, auréolée d’une gloire encore légendaire, Piccard & Pictet pourrait bien revivre un jour. En effet, quelques bruissements d’investisseurs, la rumeur d’un prototype secret, et l’espoir renaît… Aujourd’hui, en 2022, soit 101 ans après son dépôt de bilan, la marque Pic-Pic appartient à la société Pilo & Co SA de l’entrepreneur Amarildo Pilo. Cet horloger vient de célébrer le 20ème anniversaire de sa marque de montres qui, du côté du Quartier de Saint-Gervais, est ancrée là même où l’histoire de Genève se fond dans celle des Cabinotiers et donc dans celle de l’Horlogerie suisse avec un grand H.

 

 

LES PRÉMICES DU MYTHE

 

La passion était déjà à l’origine de cette marque qui, dans le cœur et l’imaginaire des aficionados actuels de l’automobile, résonne comme l’expression d’un luxe ultime et confidentiel, une sorte de parenthèse de bienfacture toute helvétique dans l’histoire mondiale de l’automobile. A près de 20’000 francs suisses, au début du 19ème siècle, nul doute que la marque avait ce petit quelque chose d’inaccessible tout en cultivant une auréole quasi nationale : en effet, elle fournissait la première ambulance de la Croix-Rouge, ainsi que plusieurs modèles de sa «22/30ch grand tourisme» à l’État-Major de l’armée suisse. Mieux, elle s’illustrera également dès 1910 dans l’univers très porteur de la course, tout en faisant digne figure aux salons de Londres et de Paris. Surnommées les «Rolls-Royce suisses», elles fascinaient par le silence de leur moteur à soupapes ainsi que par l’excellente qualité de leur fabrication.

 

 

D’OÙ VIENNENT LE PIC ET LE PIC

 

Le premier «Pic» revient à Paul Piccard (1844-1928). En 1886, cet ingénieur mécanicien d’origine vaudoise reprend avec Jules Faesch la société «Weibel, Briquet & Cie» qui devient «Faesch & Piccard». Originellement spécialisée dans la fabrication d’appareils de chauffage à air chaud, cette firme genevoise s’était diversifiée dans la construction de turbines hydrauliques. On lui doit notamment celles des chutes du Niagara. Le deuxième «Pic» découle du nom de famille Pictet. En effet, au décès de Jules Faesch c’est un certain mécanicien genevois du nom de Lucien Pictet (1864-1928) qui, travaillant déjà dans la société depuis cinq ans, le remplace. Dès lors naît à la rue Adrien Lachenal à Genève, une nouvelle raison sociale, Piccard & Pictet. Il faut attendre un soudain concours de circonstances pour que le destin de cette société se lie à celui de l’automobile. Tout s’accélère avec l’arrivée à la présidence de la SAG (la Société d’Automobiles Genève) du financier zurichois Edwin Schwarzenbach. C’est lui qui confie à Piccard & Pictet la fabrication de voitures. Il nomme même Lucien Pictet directeur de la SAG. Or, passionné d’automobile, ce dernier ira en Espagne pour racheter à Marc Birkigt la licence des voitures fabriquées par Hispano-Suiza. Et c’est naturellement par la construction de châssis Piccard & Pictet que démarre l’aventure automobile. D’abord par une première gamme de voitures S.A.G composées de trois modèles : une 12/16 HP, une 20/24 HP et une 40/50 HP, toutes des 4 cylindres.

 

 

DES CHÂSSIS AUX VOITURES

 

En 1909, Piccard & Pictet produit 220 châssis, carrossés pour la plupart par Gangloff à Genève et Geissberger à Zurich. Si Paul Piccard était dans un premier temps réticent à l’idée de fabriquer des voitures, il absorbe finalement la société SAG qui devient «Société Anonyme des Ateliers Piccard & Pictet» et ajoute à la fabrication de turbines la construction d’automobiles. Puis, la résiliation du contrat de licence Hispano-Suiza entraîne la disparition de la marque SAG, rachetée par Hispano-Suiza. Dès 1910, les véhicules issus des ateliers Piccard & Pictet prennent alors l’appellation de «Pic-Pic». Ils se font rapidement remarquer en course et dans les grandes expositions de Paris et de Londres. Outre la Croix-Rouge qui fera de la marque sa première ambulance, c’est une Pic-Pic également que commandera la Confédération pour véhiculer l’empereur allemand Guillaume II, en visite pour assister aux manœuvres du troisième corps d’armée. La voiture est équipée d’un moteur de 40 ch, six cylindres sans soupapes.

 

 

SUCCÈS D’ESTIME ET COMMERCIAL

 

Deux automobiles Pic-Pic sont alignées en 1914 au Grand Prix de l’Automobile Club de France (ACF) à Lyon. Il s’agit à l’époque du plus grand événement automobile mondial. Si Paul Tourner et Theo Clark, les deux pilotes de l’équipe Piccard-Pictet, jouent de malchance et ne parviennent pas à terminer la course, c’est tout de même Pic-Pic qui bat le record de vitesse en atteignant les 170 km/h ! À la fin de la Grande Guerre en 1914, la société automobile ne parvient pas à survivre, malgré le lancement de son nouveau modèle plus léger, la 16/20 ch avec moteur sans soupape. Cette période, déjà difficile pour les industries non militaires, s’accompagne d’une féroce concurrence américaine basée sur une politique de prix très agressive et une saturation du marché. Cette conjoncture défavorable finira par avoir raison de ce fleuron automobile suisse. Bien que poursuivant la production de pièces détachées automobiles, l’entreprise se reconvertit principalement dans la livraison de grenades et d’obus à l’adresse de la triple-entente formée par les empires britanniques, français et russes.

 

 

DÉCLIN, DISPARITIONS

 

Après la guerre, la reconversion civile des activités de l’entreprise accuse de lourdes pertes. Malgré s’être alliée au Français Gnome et Rhône, et avoir tenté d’importer des machines en provenance des États-Unis, elle se voit contrainte en 1921 à se céder à la Société de Banques Suisse (SBS). A deux-tiers majoritaire, l’institut bancaire fait appel au Comptoir d’Escompte pour entériner la fondation d’une nouvelle société «Les Ateliers des Charmilles». Tandis que la production de turbines se poursuit, deux voitures continuent d’être fabriquées par jour. Certes, Gnome et Rhône achète les droits de fabrication Pic-Pic pour produire des châssis de types R2, 4 vitesses 16/45 chevaux. C’est sans compter avec son rachat par un consortium qui se lancera dans la réalisation d’un dernier prototype de Pic-Pic torpédo, un huit-cylindres en V qui fut essayé dans la campagne genevoise. En 1924, comme un dernier tour de piste, la dernière Pic-Pic sera présentée lors du salon de l’Auto à Genève, sur le stand de Jan & Co, le distributeur à Lausanne de Gnome et Rhône. Et même si les Ateliers des Charmilles vendent encore des pièces détachées en 1925, la marque s’éteint après avoir, en dix ans d’histoire, inventé et fabriqué environ 3000 voitures.

 

 

RENAISSANCE ?

 

Il semblerait que la sensibilité à cette histoire unique, à tout ce qu’elle représente de passions, de larmes, d’efforts et d’excellence, n’ait pas encore dit son dernier mot. Ainsi en va-t-il dans le monde des marques, à une époque où jamais les racines n’auront tant compté. Quelque part sur notre terre globale, en 2022, un prototype a été conçu dans le plus grand secret. Les vraies valeurs appartiennent aux terroirs. Et il se peut, nous l’espérons, que la mythique Pic-Pic se remette à vrombir, un de ces prochains jours…

Quelque part sur notre terre globale, en 2022, un prototype a été conçu dans le plus grand secret.

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