Prost & Senna: L’art de la guerre

Plus de 25 ans après la mort du Brésilien, la rivalité entre Ayrton Senna et Alain Prost divise encore les fans de Formule 1. Ces deux-là étaient ils réellement les meilleurs ennemis du monde?

[eltdf_dropcaps type= »normal » color= » » background_color= » »]P[/eltdf_dropcaps]rost-Senna, Senna-Prost dans quelque sens que l’on retourne les termes de l’équation, le résultat est le même: quand on introduit, dans un système fermé, deux pôles que tout oppose et qui recherchent le même but, la réaction est inévitable. Et, en général, elle fait du bruit. Plus de 25 ans après la mort d’Ayrton Senna, fauché en pleine course à Imola le 1er mai 1994, il est toujours impossible de citer le nom de l’un sans raviver la flamme d’une rivalité sans concession entre deux pilotes exceptionnels.

Pour comprendre cette tension, exacerbée au-delà de l’imaginable entre deux hommes animés par la même passion, on peut, comme cela a été fait mille fois, comparer les similitudes entre ces deux surdoués du pilotage. Parler de leurs trajectoires parallèles, de leurs débuts en karting, de la science innée du pilotage de l’un, du travail scientifique et méthodique de l’autre pour parvenir au meilleur résultat…

La rivalité est née

Mais pour parvenir à décrypter les vraies raisons de cette défiance, il faut remonter au moment où la tension se cristallise. Nous sommes le 3 juin 1984, à Monaco. Prost a 29 ans et court dans la meilleure écurie du moment: McLaren TAG. Ayrton, lui, a 24 ans, il dispute sa première saison en F1 et pilote une modeste Toleman-Hart. Logiquement, donc, personne n’aurait dû entendre parler de celui que la surimpression télé appelle encore Ayrton Senna Da Silva.

Seulement voilà: Monaco n’est pas un circuit comme les autres et, ce jour-là, les dieux de la course ont le cœur samba. Des trombes d’eau inondent le circuit, transformant son tracé étroit en piège éliminatoire. Du déluge, une voiture blanche à flancs bleus pilotée par un homme au casque jaune émerge. Elle remonte de la 13e à la 3e place, puis double la 2e McLaren pilotée par Niki Lauda et passe en seconde position, à près de 30’’ du leader Alain Prost. On en est au 19e tour et la nouvelle star entame une folle remontée. Au 32e tour, au virage de la Rascasse, un drapeau rouge signale que la course est suspendue. Au niveau de la ligne d’arrivée, un autre drapeau rouge, suivi d’un drapeau à damier signalent tous deux qu’elle est terminée. Mais dans ces conditions dantesques Ayrton Senna, qui est en passe de doubler Prost, ne les a pas vus. Il fond sur la ligne, double Prost qui a ralenti, franchit la ligne et, pensant avoir gagné, fait un tour d’honneur. Quand, plus tard, c’est Prost qui reçoit l’accolade du Prince Rainier, Senna s’estime «trahi» par la FIA. Il n’aura, dès lors, de cesse de vouloir battre Alain Prost et de défier l’autorité de la FIA : Jean-Marie Balestre. La rivalité est née.

Elle sera flamboyante, épique, entre Prost sur McLaren et Senna qui est passé chez Lotus en 1985 avant d’arriver, avec l’accord de Prost, dans l’écurie star McLaren en 1988. Tout le monde s’attend à un triomphe, ce sera la guerre. Car si Prost semble prêt à vouloir jouer le jeu de la politique d’équipe, Senna, lui, ne supporte pas la concurrence. Il veut être numéro un, ou rien! Au terme d’une saison à couteaux tirés, Senna emporte le titre.

18 juin 1989, Alain Prost et Ayrton Senna au Grand Prix du Canada à Montréal.
18 juin 1989, Alain Prost et Ayrton Senna au Grand Prix du Canada à Montréal.
25 mars 1984, première victoire d'Alain Prost pour son retour chez McLaren au grand prix du Brésil à Rio de Janeiro.
25 mars 1984, première victoire d'Alain Prost pour son retour chez McLaren au grand prix du Brésil à Rio de Janeiro.

L’année suivante, la tension monte encore d’un cran. À Estoril, Senna tasse Prost dans la ligne droite. À Imola, il l’attaque au premier virage malgré un «pacte de non-agression» tacite.  L’ambiance est telle que Ron Dennis, le patron, doit recadrer ses pilotes. Senna n’en a cure! Il use de tous les moyens: la piste, d’abord, où il se montre régulièrement plus rapide que son coéquipier, la presse, ensuite, qui servira d’artillerie lourde aux deux adversaires. Après chaque Grand Prix qui captive des millions de téléspectateurs, les gens se ruent sur le journal du lendemain pour découvrir ce qui se passe sous le vernis rouge et blanc de McLaren. Les deux s’épanchent devant les journalistes, mais ne se causent plus. Malaise.

En fait c’est clair, ils sont trop forts et la F1 est devenue trop petite. Il n’y a pas de place pour eux deux.

L’atmosphère est devenue explosive. Prost déclare partout : «Senna veut m’humilier, me détruire!» Senna, lui, multiplie les provocations en piste. Quitte à aller jusqu’à la faute. En fait c’est clair, ils sont trop forts et la F1 est devenue trop petite. Il n’y a pas de place pour eux deux. Et la paranoïa fait le reste. On connaît la suite… 1989, GP du Japon: Prost accroche Senna et les deux finissent hors-piste. Prost abandonne, Senna repart, poussé par les commissaires, et gagne. Mais la FIA le disqualifie et Prost, qui part chez Ferrari, empoche le titre. 1990, GP du Japon: auteur de la pole, Senna se retrouve côté «sale» de la piste, malgré ses protestations. Persuadé que la FIA est une nouvelle fois prête à lui «voler» son titre, il éperonne littéralement Prost. Et s’adjuge le titre à la différence de points. Moche.

L’histoire, pourtant, finit bien. Le 7 novembre 1993, à Adélaïde, Senna qui vient de remporter le GP d’Australie prend Prost par le bras et le fait monter sur la plus haute marche du podium avec lui. Manœuvre «marketing»? Que nenni. Prost – qui vient de remporter le titre – a annoncé sa retraite. Senna sait que, désormais, sa «cible» s’appelle Schumacher. Puisqu’Alain Prost n’est plus un rival, le Brésilien peut cesser la guerre totale, laisser tomber le masque et prendre son meilleur ennemi dans ses bras.

Après avoir écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de la F1, les deux rivaux pourraient enfin devenir amis. Malheureusement, le 1er mai 1994…

 

Photos Bernard Bakalian

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